Ce petit opus biographique sur Frédéric Barberousse, qui se lit rapidement, narre la vie et l’œuvre du grand homme, qui au-delà de la légende, a sérieusement consolidé la structure du pouvoir en Allemagne et plus généralement le Saint Empire Romain Germanique.
Les deux premières parties, sur l’état de la Germanie et de l’Italie à son couronnement, paraissent initialement un peu longues mais aident à comprendre, surtout pour l’Italie, les contraintes de l’Empereur. Marcel Pacaut arrive ensuite à bien rendre l’évolution de l’action et de la pensée de Barberousse, où la brutalité prime initialement en Italie avant de céder la place à la manœuvre dans ce qui pourrait s’assimiler à la lutte entre trois pouvoirs majeurs (l’Empire, les Communes et la Papauté) et deux mineurs (l’Empire byzantin et le Royaume de Sicile). Paradoxalement, une trajectoire opposée lui assure un succès équivalent en Allemagne, où il compose d’abord avant de régler ses comptes vers 1180 et les années suivantes, Henri le Lion ayant par exemple outrepassé ses prérogatives.
Barberousse laissera donc un Empire puissant à sa mort, lors d’une croisade qui restera son apothéose malgré (ou à cause de ?) sa noyade. Par le mariage de son fils Henri VI avec Constance de Sicile, il ouvre la voie à une tentative d’unification du grand ensemble allant des rives de la Baltique à Méditerranée centrale, ce que réussira son petit-fils Frédéric II de manière éphémère et plus étendue encore, allant jusqu’au Royaume de Jérusalem.
L’enchevêtrement des us et coutumes en Germanie est un peu difficile à suivre pour le béotien et Marcel Pacaut avoue lui-même que cela est parfois obscur pour l’historien. Fort heureusement, rien de tel ne prévaut pour les grandes lignes de force en Italie et nous assistons avec délice à des jeux et renversements d’alliances, qui, portés en jeu de plateau, feraient la joie de Jérôme L. que nous nous garderons de dénoncer. Le meilleur exemple est sans doute la main tendue par Barberousse à Milan, pourtant rasée par ses soins en 1162, et qui devient son allié principal en 1184-85 aux dépens de Crémone.
Si le cadre du récit est centré sur l’Italie et l’Allemagne, les influences des autres familles régnantes, Plantagenêts et Capétiens, sont régulièrement mentionnées et permettent une bonne saisie de ce règne de 38 ans. Voilà qui donne aussi envie d’enchaîner avec la relecture du Frédéric II de Benoist-Méchin, magnifique fresque malgré quelques raccourcis et qui mérite pleinement son sous-titre, «
ou le rêve excommunié ».