Un autre « mythe du front russe » c’est pour moi le char T-34-76 lors de son apparition à l’été 1941. Dans les vidéos et dans beaucoup de livres on nous le présente aujourd’hui comme une sacrée réussite de part son blindage incliné, son canon de 76,2mm et enfin par sa mobilité. Tout cela est vrai (le trio classique « protection-armement-mobilité ») mais ça ne fait pas pour autant un bon char car il y manque un point essentiel : Une organisation fonctionnelle de la tourelle pour l'équipage. Le T-34 du début de la guerre était dépourvu de radio sauf pour les commandants d'un certain niveau ce qui obligeait les chars subordonnés à agir "à l'imitation" du char principal, ce qui est acceptable pour le peloton de chars mais pas pour les niveaux supérieurs car peu souple tactiquement. L'interphone pour permettre au chef de char de communiquer avec le pilote était très médiocre. Passons sur les problèmes de fiabilité des obus et du moteur en 1941-42 car il y a plus grave: la vision est mauvaise de l'intérieur du blindé, car les optiques sont de très mauvaise qualité, notamment la lunette du tireur.
Mais le pire réside dans l'organisation de la tourelle, qui ne compte que 2 hommes, le chef de char/tireur et le chargeur. Pour le chargeur pas de souci, il n'a qu'une tâche à accomplir. Le pauvre chef de char/tireur par contre, doit diriger le pilote sur le terrain, observer pour repérer les chars adverses dangereux, les pointer et tirer, corriger le tir jusqu’au but, et pendant ce temps il n'observe plus son environnement. De plus il doit garder le contact avec son chef de peloton pour ne pas s'égarer. Le chef de peloton doit faire tout cela et en prime il doit rester en écoute radio (quand il en a une) et répondre aux messages. Bref ces chefs de char/tireurs sont des hommes orchestre et se trouvent devant une tâche impossible! Quiconque a été chef de char ou chef de peloton de char aura une pensée émue pour eux...

Les chars allemands de 1941 sont moins blindés, mais sont tous équipés de radio et d’interphones satisfaisants, et dans le cas des PzKpfw III et IV leur tourelle est assez large pour héberger 3 hommes (chef de char, tireur, chargeur), ce qui permet une judicieuse répartition des tâches*.
Face à eux le T-34 avec son chef de char/tireur débordé ne faisait tout simplement pas le poids dans un combat mobile char contre char ! Il réagissait toujours trop tard et mal, perdait de vue l’évolution rapide de la menace, ce qui permettait aux chars allemands de le contourner et de le tirer sur les côtés au défaut de la cuirasse. Cela rappelle la surprise des tankistes allemands devant ce qu’ils ont perçu comme la fameuse « hésitation des chars français » en 1940. Il n’y avait en fait aucune « hésitation », mais ils avaient en face d’eux un chef de char français totalement débordé qui était seul en tourelle dans la plupart des chars français en ligne !
Tous ces graves défauts et notamment le principal, la tourelle à deux places du T-34-76 ont été corrigés en 1943 avec l'apparition du T-34-85 dont la tourelle élargie hébergeait 3 hommes, ce qui permettait au chef de char de se concentrer sur sa mission principale: diriger le pilote en restant en contact avec les autres chars, observer son environnement et désigner la menace la plus immédiate au tireur pour qu’il la traite, tout en maintenant l’observation.
Bref je crois que côté allemand l’on a un peu surjoué après la guerre la menace représentée par le T-34-76 en 1941-42. C’est un char qui avait le potentiel pour devenir un vrai gagnant de part sa conception, mais pas en l’état en 1941-42. Si l’on ajoute à tout cela la formation très sommaire des équipages russes de l’époque, face à la formation remarquable des unités de chars allemandes...
* L’on sait que les PzKpfw I et II bien trop faibles étaient eux utilisés dès 1941 en appui de l’infanterie.